Soutenance de thèse Jean-Loup Kastler

Le samedi 20 décembre 2025 aura lieu la soutenance de thèse de Jean-Loup Kastler sur le sujet :

"Les métamorphoses de la cité idéale en pays de montagne (1768-1788). De l'utopie philosophique de Versoix à l'écologie morale de la Journée des Tuiles"

Elle se tiendra à partir de 14 h, au centre Panthéon, salle 216 (12 place du Panthéon, Paris 5e, escalier A, deuxième étage droite).


Elle sera présentée devant un jury composé de :


Gilles Bertrand, Professeur émérite d’histoire moderne, Université Grenoble

Alpes.

Clarisse Coulomb, Maîtresse de conférences, Laboratoire LARHRA, Université Grenoble Alpes.

Christy Pichichero, Professeure associée, George Mason University, Rapporteure.

Pierre Serna, Professeur des Universités, Paris 1 Panthéon Sorbonne (Directeur de thèse).

Sophie Wahnich, Directrice de recherche CNRS, Laboratoire PACTE, Université Grenoble Alpes.

Gretchen Walters, Professeure associée, Université de Lausanne, Rapporteure.

Résumé : Cette thèse est une relecture des origines de la Révolution française à partir des montagnes du quart sud-est de la France. Pour ce faire, elle propose le modèle alternatif des « révolutions montagnardes ». Loin du paradigme des « révolutions atlantiques » imaginé par les historiens Richard Palmer et Jacques Godechot, elle montre comment s’articulent utopie politique, luttes pour les biens communs et basculement géopolitique dans le déclenchement des événements révolutionnaires en pays de montagne.

Tout commence avec le projet de Versoix en 1768. Imaginée par Choiseul et Voltaire, cette cité idéale devait garantir liberté de conscience et prospérité horlogère, tout en concurrençant Genève. Mais derrière l’utopie, se trouvait un enjeu stratégique : après la défaite de la guerre de Sept Ans, la monarchie française cherchait un « swing to the East », reliant le Nord de l’Europe à la Méditerranée et aux routes asiatiques. L’échec du projet de Versoix, lié à la disgrâce de Choiseul, n’effaça pas son impact : il favorisa la politisation des élites dauphinoises et ouvrit la voie à de nouvelles ambitions collectives.

Vingt ans plus tard, la Journée des Tuiles (Grenoble, 7 juin 1788) incarne cette mutation. Les habitants des faubourgs, plus particulièrement les herbières, se révoltent aux côtés des aventuriers de Versoix non seulement contre l’absolutisme, mais aussi contre la privatisation des communaux conçus en Dauphiné comme une compensation à l’exposition des habitants au risque d’inondation. Ils s’opposent aux restrictions imposées par l’administration des Eaux et Forêts et aux concessions accordées à des compagnies privées (comme celle du canal de la Romanche). La résistance populaire fonde une véritable « écologie morale » au nom du droit à la subsistance.

Ainsi, la montagne devient plus qu’un décor : une matrice politique. Elle offre un modèle révolutionnaire où la participation populaire, la défense des communs et la démocratie directe (inspirée de Rousseau et de Servan) se

conjuguent pour inventer une autre modernité. À rebours du schéma atlantique centré sur le négoce et le gouvernement représentatif, les révolutions montagnardes révèlent un horizon alternatif.

En définitive, de Versoix à Grenoble, cette enquête montre que la Révolution française fut aussi une révolution environnementale, née dans les Alpes : une tentative de redéfinir le rapport entre société, nature et politique à travers la défense des communs forestiers et hydrauliques, au moment même où la France cherchait à se projeter vers l’Orient.

Mots-clefs : Révolutions montagnardes, utopie, écologie morale de la foule, matrimoine, charte des eaux, révolution matrimoniale, démocratie, biens communs.